23 mars 1944

23 mars 1944 1 2 3 Русский

Archives départementales de Meurthe-et-Moselle. — WM 315.

Région de Nancy

Compagnie de M[eur]the-et-M[os]elle

Section de BRIEY

Brigade de PIENNES

No 129 du 22 Mars 1944

PROCESS-VERBAL Constatant un DELIT (Sabotage à la mine de Pienne à JOUDREVILLE) par plusieurs individus armés et masqués

2o EXPEDITION

4562/3

Vu et transmis par le Chef d’Escadron Commandant la Compagnie, à Mr. Le Préfet de M[eur]the-et-M[os]elle, 1ère Division — 1er Bureau à Nancy.

Le 29 MARS 1944.

No 1187/3

CABINET DU PRÉFET DÉLÉGUÉ

31 MARS 1944

GENDARMERIE NATIONALE

Cejourd’hui ; mercredi, vingt-deux mars mil neuf cent quarant[e] quatre, à cinq heures,

Nous, soussignés : CURIN, Georges, M[E?]T[Z?]GER, André, et PIERRON, Eugene, gendarmes à la résidence de Piennes, Département de Meurthe-et-Moselle, revêtus de notre uniforme et conformément aux ordres de nos Chefs, informés qu’un acte de sabotage venait de se produire à la mine de Pienne à JOUDREVILLE, nous nous sommes immédiatement rendus sur les lieux où nous avons appris qu’au cours de la nuit, un groupe d’individus armés et la plupart masqués avait fait irruption sur le carreau de la mine d’où ils s’étaient dirigés les uns à la recette du puits No2 où ils ligotaient les ouvriers qui mangeaient, les autres à la machine d’extraction où ils obligeaient le machiniste HAUPERT, à mettre en marche la machine et enfin au bureau du pointage où ils ligotaient le garde particulier HENRY.

Lors de leur présence à la recette du puits No2, ces individus ont lancé dans le puits en question trois wagonnets vides qui sont allés au fond. A la recette inférieure du puits No1 où ces individus se sont également rendus, nous avons remarqué que deux wagonnets vides sont suspendus ayant été retenus par le c[â]ble des cages. Aucune autre trace de dég[â]ts ne se remarque sur le carreau de la mine, toutefois ils seraient assez importants dans les deux puits.

Procédant à une enquête, avons recueilli ce qui suit :

Monsieur POINSIGNON, Pierre, âgé de 38 ans, Ingénieur du fond à la mine de Pienne à Joudreville, y demeurant rue des Ecoles, nous a déclaré :

« Aujourd’hui, 22 courant, vers 2 heures, j’ai été avisé par le nommé CAPELLI, qui était chef de recette qu’un acte de sabotage venait d’être commis à la mine. Lui ayant demandé des explications, cet homme m’a alors déclaré que des individus inconnus et la plupart masqués avaient jeté des wagons vides dans les deux puits, et que les ouvriers de service avaient été tenus en respect par les dits inconnus qui étaient armés. Je me suis donc dirigé immédiatement sur les lieux où j’ai appris que cinq individus dont trois masqués avaient pénétré au bureau du pointage où ils avaient ligoté le gardien Mr. HENRY, dont deux armés le tenaient en respect tandis que les trois autres ressortaient.

En quittant le dit bureau, ces trois individus rencontraient l’ouvrier du jour MARTIN, Alfred, qui se disposait à pointer sa carte de pointage. Ils l’ont également ligoté et tenu en respect à côté du garde HENRY.

Au même moment, d’après les déclarations des ouvriers de la recette, un certain nombre d’autres individus au nombre d’une dizaine parait’il, se présentèrent à l’étage inférieur de la recette du jour, où les ouvriers venaient de commencer leur casse[-]croute. Ils en ligotèrent plusieurs, les tenant en respect à l’aide d’armes diverses et dirent aux autres de continuer à casser la croute. Ils poussèrent alors trois wagons vides dans le puits 2. Ils se rendirent ensuite à l’autre recette où ils poussèrent deux wagons dans le puits 1. Se rendant à la machine d’extraction, ils intimèrent au machiniste HAUPERT, l’ordre de mettre les cages au milieu du puits. HAUPERT, [e]ssaya de résister en disant qu’il ne devait pas manœuvrer sans ordre de la recette, ce à quoi les individus l’obligèrent à s’exécuter immédiatement sous la menace de révolvers.

Toujours ces individus revinrent au pointage environ vingt-cinq minutes après ; il était alors une heure cinquante (1 h 50) puis ils partirent.

J’ajoute qu’à leur arrivée au pointage la première fois, ils enlevèrent le fusible du signal d’alerte et arrachèrent les fils des différents téléphones.

Je me suis également assuré s’il y avait des victimes en téléphonant au fond depuis le standard du bureau. Le porion de service TANGUY, Alexis, m’a répondu qu’il n’y avait pas de victime et qu’ils avaient cru à un bombardement. Assuré que les deux puits étaient pour un certain temps inutilisables, j’ai donné alors à TANGUY, l’ordre suivant après avoir obtenu l’accord préalable de la mine voisine de Landres : rassemblez au puits votre personnel des différents quartiers et partez en colonne en direction du passage de communication avec la dite mine de Landres. »

Lecture faite a persisté et signé.

Monsieur CURIEN, Raoul, âgé de 48 ans, Ingénieur du jour à la mine de Pienne à Joudreville, y demeurant rue des Ecoles, nous a déclaré :

« Aujourd’hui, 22 courant, à 2 heures, j’ai été avisé par le machiniste de l’extraction HAUPERT, qu’il venait d’être attaqué par un groupe d’individus armés lesquels avaient également jeté des wagons vides dans les puits. Je me suis immédiatement rendu sur les lieux où j’ai alerté la direction, mais je n’ai pu alerter la Gendarmerie de Piennes, n’ayant obtenu que le 87 à Briey en passant par Jarny.

A Briey, il m’a été répondu que le nécessaire allait-être fait. J’ai également fait prévenir Mr. KRENN, des Services Allemands de Joudreville, de même que la mine de Landres pour l’informer que les hommes remontreraient par la dite mine.

A noter qu’au bureau du pointage, les différents téléphones étaient arrachés et par conséquent inutilisables. Il en était de même de l’interrupteur de la sirène auquel on avait retiré le fusible.

Je ne puis fournir aucun renseignement précis sur l’acte commis cette nuit. »

Lecture faite [a] persisté et signé.

Mr. THOMAS, Edgard, âgé de 40 ans, manœuvre à la mine de Pienne à Joudreville, demeurant à Norroy-le-Sec, nous a déclaré :

« Aujourd’hui, 22 courant, j’étais de service à la recette du puit d’extraction avec six camarades mais je ne les connais pas tous de nom.

Vers 1h 30, nous étions tous occupes à manger lorsque quelques instants après un groupe de quatre individus tous armés, deux de pistolets automatiques, un autre de grenade à la main et le quatrième une mitraillette, ont fait irruption à la recette et nous ont ordonné de lever les mains, de ne pas bouger, qu’ils ne nous feraient aucun mal. Nous avons exécuté l’ordre, nous trouvant sans défense.

Cinq de mes camarades ont été alors ligotés tandis que moi, j’ai continué à manger, ce qu’ils ont laissé faire.

Par la suite, un de ces quatre individus qui était masqué, a levé le taquet puis précipité trois wagons dans le puits. De la façon dont cet individu a procédé, il fallait qu’il soit au courant des mines. Les trois autres individus n’étaient pas masqués et nous tenaient en respect.

Une fois leur coup fait, ces individus sont partis en nous recommandant de ne pas bouger. Sur ces quatre individus, deux seulement nous ont adressé la parole. L’un de taille petite 1 m 60 environ parlait couramment le Français ; je ne me rappelle pas des effets qu’il portait mais je puis dire qu’il était coiffé d’un béret basque.

Le deuxième un peu plus grand, 1 m 65 à 1 m 70 environ coiffé également d’un béret basque et âgé d’environ une vingtaine d’années avait un accent étranger que je n’ai pu définir.

C’est tout ce que je puis dire sur le signalement de ces hommes. »

Lecture faite a persisté et signé.

Mr. DE LUIGI Aldo, âgé de 29 ans, machiniste à la mine de Pienne à Joudreville, demeurant à PIENNES, No109 Rue de Lorraine, nous a déclaré :

« J’étais de service à la recette de la mine cette nuit lorsque vers 1 h 30 alors que nous mangions moi et mes camarades, quatre inconnus ont fait irruption à la recette. Je n’ai pas vu si ses quatre hommes étaient armés mais j’ai bien remarqué que deux étaient armés l’un d’un pistolet automatique et l’autre d’une grenade. En arrivant, ces individus ont crié : " hait les mains, ne bouges pas. " Nous nous sommes donc exécutés et nous avons tous été ligotés sauf THOMAS qui a continué à manger.

Les uns ont été ligotés à l’aide de leur cache-nez, les autres avec des liens faits avec de la toile.

Une fois tous ligotés, trois individus nous tenaient en respect tandis que le quatrième levait le taquet et envoyant trois wagons vides dans le puits. Leur coup fait, ces hommes sont partis, et je n’ai pas remarqué si l’un d’eux était masqué.

Je puis dire que lorsque ces quatre individus sont partis, un autre groupe de trois dont l’un armé d’un fusil de guerre, sont descendus de l’étage supérieur de la recette pour suivre les quatre premiers. Je n’en ai remarqué aucun pour être masqué.

Je ne puis fournir aucun renseignement utile sur ces individus que je ne connais pas. Néanmoins la plupart pouvait être âgée de 20 à 25 ans et paraissait être des étrangers. Je me souviens qu’un de ceux-ci était coiffé d’un béret basque et était vêtu d’une veste de cuir couleur fauve. »

Lecture faite a persisté et signé.

Mr. SIERASKY, Bronislaw, âgé de 45 ans, manœuvre, demeurant à Joudreville, No64 Ru[e] du Pré, nous a déclaré :

« J’étais effectivement de service à la recette de la mine cette nuit lorsque vers 1 h 30 environ, alors que nous étions occupés moi et mes camarades à manger, cinq individus dont trois armés de pistolets automatiques ont fait irruption à la recette. Aussitôt, ils ont crié : " haut les mains " ce que nous avons fait.

Pendant qu’un de ces hommes qui avait la figure recouverte d’un masque rouge nous tenait en respect avec un pistolet, trois autres nous ligotaient les mains derrière le dos, tandis que le cinquième envoyait trois wagons vides dans le puits après avoir levé le taquet.

L’homme masqué pouvait avoir une taille de 1 m 70 environ, coiffé d’un béret basque et vêtu d’un costume sombre. Quant aux autres individus ils pouvaient avoir la même taille sauf un plus petit coiffé d’un chapeau et vêtu d’un costume clair.

Ce [q]ue je puis dire c’est que l’un de ces individus nous a dit en langue russe : " n’ayez pas peur ".

Ce sont tous les renseignements que je puis fournir sur le signalement de ces individus. A mon avis, il devait y avoir des sujets russes. »

Lecture faite a persisté et signé.

Mr. WIELGOPOLSKI, Joseph, âgé de 45 ans, manœuvre, demeurant à Piennes, 28 Rue de Lorraine, nous a déclaré :

« J’étais bien de service cette nuit à la recette de la mine, lorsque vers 1 h 30 environ, cinq individus dont trois armés de pistolets ont fait irruption à la recette et nous ont commandé : " haut les mains ". Pendant que trois de ceux-ci nous liaient les mains derrière le dos, le quatrième qui était porteur d’un masque rouge, se tenait à l’écart tandis que le cinquième expédiait trois wagons vides dans le puits.

L’homme masqué, pouvait avoir une taille de 1 m 70 environ et coiffé d’un béret ; je n’ai prêté aucune attention aux effets. Quant aux trois autres qui nous tenait en respect, ils pouvaient avoir une taille de 1 m 60 à 1 m 65 environ et deux seulement étaient coiffés d’un béret ; le troisième je n’ai pas remarqué sa coiffure. Quant à celui qui envoyant les wagons dans le puits, je n’ai pas remarqué son signalement. Ils pouvaient être âgés de vingt à vingt[-]cinq ans environ.

Ce que je puis dire, c’est qu’un des trois qui nous tenaient en respect, nous a dit en langue russe : " n’ayez pas peur. " Il est donc possible qu’il y avait des sujets russes parmi ces individus. Ils ne nous ont pas beaucoup parlé mais d’un de ces hommes nous a également dit en Français : " n’ayez pas peur. "

C’est tout ce que je puis dire à ce sujet. »

Lecture faite, [a] déclaré ne savoir signer[.]

Mr. DEGLI, Esposti, âgé de 38 ans, manœuvre à la mine de Pienne à Joudreville, demeurant à Piennes, No35 Rue d’Alsace, nous déclaré :

« Cette nuit vers 1 h 30, j’étais présent lorsque cinq individus ont fait irruption à la recette. Trois de ceux-ci armés de pistolets nous ont commandés : " haut les mains " ce que nous avons fait. J’ai remarqué qu’un seul de ceux-ci était coiffé d’un béret basque ; quant aux deux autres je n’ai prêté aucune attention. Un quatrième se tenait à l’écart mais derrière les trois premiers. Le cinquième envoyait trois wagons vides dans le puits.

Je n’ai pas remarqué qu’un de ceux-ci soit masqué ni même vêtu d’une veste en cuir fauve.

Comme signalement, les trois armés pouvaient avoir une taille de 1 m 60 environ et avaient l’accent étranger ; je n’ai prêté aucune attention à leur costume. Je n’en connais aucun et ne les ai jamais vus.

Ce sont les seuls renseignements que je puis vous donner. »

Lecture faite a persisté et signé.

Mr. DESCA, Lorenz, âgé de 55 ans, manœuvre, demeurant à Joudreville, No9 Rue du Stock, déclaré :

« Cette nuit, lorsque nous avons été attaqués à la recette, c’est bien cinq individus dont trois armés de pistolets qui, ont fait irruption. Ces trois derniers ont crié [:] " haut les mains ", puis l’un d’eux a dit en Russe : " n’ayez pas peur ". Un deuxième a fait la même réflexion en Allemand et le troisième en Français. Ils pouvaient avoir tous une taille de 1 m 60 à 1 m 65, deux étaient coiffés d’un béret et le troisième d’un chapeau ; je n’ai prêté aucune attention aux costumes dont ils étaient porteurs.

Un peu à l’écart de ceux-ci et en arrière, se trouvait le quatrième individu lequel d’une taille d’environ 1 m 70 et coiffé d’en béret avait la figure recouverte d’un masque rouge ; il était vêtu d’un costume sombre sans que je puise définir exactement la nuance.

Le cinquième d’une taille de 1 m 70 également, était occupé à envoyer trois wagons vides dans le puits. Cet individu était également coiffé d’un béret ; quant au costume je n’y ai prêté aucune attention. Il est vrai que le fait s’est passé dans un temps très court, et, après nous avoir lié les mains derrière le dos, ces individus sont partis.

A mon avis, il doit y avoir des sujets russes parmi ces individus. En tout cas, je n’en connais aucun et je ne puis rien dire d’autre permettant de les faire découvrir. »

Lecture faite a persisté et signé.

Mr. CAPELLI, André, âgé de 47 ans, surveillant à la recette de la mine de Pienne à Joudreville, demeurant à Piennes, No58 Rue de Lorraine, nous a déclaré :

« J’étais de service comme surveillant à la recette lorsque cette nuit vers 1 h 30, quatre individus dont trois armés nous ont commandé : " haut les mains " ; ce que nous avons fait. Pendant que deux de ceux-ci nous tenaient en respect sous la menace de pistolets automatiques, le troisième nous liait les mains derrière le dos à l’aide de morceaux de toile ou de cache-nez que ces inconnus nous enlevaient.

Le quatrième qui était masqué à l’aide d’un foulard rouge était coiffé d’un béret. C’est cet individu qui […] envoyé trois wagons dans le puits. Il pouvait avoir une taille de 1 m 70 mais je n’ai prêté aucune attention au costume dont il était vêtu.

Quant aux trois autres qui nous tenaient en respect ils étaient plus petits 1m 60 à 1 m 65 environ chacun, l’un était coiffé d’un béret et paraissait être âgé d’une vingtaine d’années, il avait en outre l’accent polonais.

Je ne puis donner d’autres renseignements plus précis le fait s’étant passé assez vite et d’autre part l’endroit où nous nous trouvions était restreint. »

Lecture faite a persisté et signé.

Mr. HAUPERT, Emile, âgé de 44 ans, machiniste à l’extraction, à la mine de Pienne à Joudreville, y demeurant No2 Rue du Pré, nous a déclaré :

« Cette nuit alors que j’étais de service à la machine d’extraction, j’ai vu arriver deux individus armés chacun d’un pistolet automatique qu’ils tenaient à la main. Ces deux individus pouvaient avoir une taille de 1 m 65 environ et étaient coiffés d’un béret basque couleur noire. L’un était vêtu d’un costume de drap noir déjà usagé ; l’autre portait un pardessus de drap même couleur. Ce dernier avait une petite moustache et les cheveux bruns.

En arrivant à la machine, ces deux inconnus m’ont ordonné de ne pas bouger tout en brandissant leur pistolet. Puis ils m’ont dit : " tu vas exécuter les ordres que l’on va te donner. " Ils m’ont alors commandé de mettre la machine en marche de façon à mettre les deux cages dans le milieu du puits. J’ai répondu que les signaux n’étant pas allumés, je ne pouvais mettre en marche. A ce moment ces individus m’ont placé leur pistolet devant la figure en disant : " c’est un ordre. " ; j’ai donc exécuté. Toutefois pour éviter qu’un accident ne se produise au fond, j’ai arrêté la machine au moment où les deux cages se rencontraient dans le puits.

Ces inconnus sont encore restés quelques minutes près de moi lorsqu’un troisième individu est venu les chercher. Je n’ai pas remarqué le signalement de cet homme si ce n’est cependant qu’il avait la figure recouverte d’un foulard jaune-vert et un capuchon de pèlerine sur la tête. Je n’ai pu voir sa physionomie.

Ces individus sont ensuite partis en emmenant ma ceinture de cuir, ainsi qu’une lampe électrique à accus appartenant à la mine, de même qu’un trousseau de trois clefs de la machine.

Je ne puis fournir de plus amples détails permettant de vous faire découvrir les auteurs. Je n’ai jamais vu ces individus. »

Lecture faite a persisté et signé.

Mr. MARTIN, Alfred, âgé de 69 ans, chauffeur aux douches à la mine de Pienne à Joudreville, y demeurant No61 Rue de Valenciennes, nous a déclaré :

« Cette nuit, vers 1 h 30, mon travail étant terminé, je m’apprêtais comme je le fais chaque jour à pointer ma carte à l’horloge qui se trouve dans le couloir venant du dehors de la mine au bureau du pointage. A p[e]ine ma carte était-elle emboitée dans l’ouverture de l’horloge que je me sentais saisi par les épaules et par derrière. M’étant retourné, je me suis trouvé en présence d’un individu de grande taille 1 m 90 environ de forte corpulence et la figure masquée par un foulard rouge et vert ; il avait également sur la tête un capuchon de pèlerine. Je n’ai pas remarqué que cet individu soit armé, ni fait attention à ses effets. Toutefois au moment où cet homme me saisissait, deux autres individus faisaient également irruption dans le couloir. Ils venaient de l’intérieur de la mine.

Ces deux derniers individus d’une taille de 1 m 70 environ, étaient tous deux armés, l’un d’un pistolet automatique et l’autre d’une mitraillette. L’un des deux était assez trapu ; ils ne m’ont pas parlé mais fait tout simplement des signes avec la main pour me faire taire. Ils m’ont ensuite emmené au bureau du pointage où ils m’ont lié les mains derrière le dos à l’aide de ma ceinture qu’ils m’avaient enlevée ; ils m’ont également lié les pieds à l’aide de morceaux de toile. J’ai donc été ligoté aux côtés du garde HENRY. Etant tous deux réduits à l’impuissance, ces individus sont partis et ne les ai plus revenus.

Je ne puis donner aucun signalement précis sur ces hommes, les faits s’étant passés assez vite et étant encore sur le coup de la surprise. »

Lecture faite a persisté et signé.

Mr. NALEZYNSKI, Stanislas, âgé de 52 ans, garde de nuit à la mine de Pienne à Joudreville, demeurant au dit lieu, No 48 Rue de Valenciennes, nous déclaré :

« Cette nuit, j’étais de garde sur le carreau de la mine, j’étais seul. Vers 1 h 40 environ, alors que je me trouvais à proximité du puits No1, j’ai été assailli par cinq individus dont l’un tenait une mitraillette devant lui ; je n’ai pas remarqué si les autres individus étaient armés car ils m’ont pris ma lampe de mineur ce qui fait que j’ai été plongé dans l’obscurité.

Pendant que l’individu armé me tenait en respect, deux autres me saisissaient par les bras et me les ramenaient derrière le dos, tandis qu’un troisième s’emparait de mon cache-nez pour me lier les bras. Le cinquième m’a alors fouillé toutes les poches et m’a enlevé ma montre ainsi que la chaîne. Cette montre est en nickel, sans marque et j’ignore le numéro ; elle est à remontoir. Quant à la chaîne celle-ci est en cuivre.

J’éprouve à la suite de ce vol un préjudice que je ne puis évaluer. Ma montre avait été achetée en 1926 et m’avait coûté cent (100) francs.

Celui qui était armé de la mitraillette, est de grande taille ; quant aux autres, ils étaient plus petits.

Je ne puis donner aucun signalement sur ceux-ci car il faisait nuit du fait qu’ils m’avaient enlevé ma lampe. »

Lecture faite a persisté et signé.

Mr. HENRY, Charles, âgé de 44 ans, garde particulier à la mine de Pienne à Joudreville, y demeurant No7 Avenue de la mine, nous a déclaré :

« Hier 21 courant, j’ai pris mon service au bureau du pointage à la mine à 19 heures. Mon travail consiste au ramassage des jetons et à la surveillance générale.

Au cours de la nuit, vers 1 h 25, cinq individus dont trois masqués ont fait irruption dans le bureau. Je n’en ai aperçu que deux pour être armés. Tout à coup, l’un de ces derniers a remis son pistolet dans la poche et m’a poussé sur le lit cage pour me ficeler les mains et les pieds à l’aide de morceaux de toile très solides, l’autre me tenait en respect avec son pistolet.

Pendant ce temps[-]là ; les trois individus masqués ont arraché les téléphones et coupé les fils, puis fouillé les tiroirs. Ils se sont emparés de deux cartouches de fusil de chasse calibre 16, ainsi qu’un fusil de chasse, deux coups, calibre 16, à chiens marque "LEFAUCHEUX-St-Etienne", cartouches à broches, de ma lampe électrique de poche, ainsi que du fusible de la sirène.

A aucun moment, ces cinq individus ne m’ont adressé la parole.

A noter, qu’ils ont également emmené au bureau le sieur MARTIN, qu’ils ont ligoté à mes côtés. Ce travail terminé, les trois individus masqués sont sortis et ne les ai plus revus. Quant aux deux autres, ils sont restés au bureau pendant un certain temps et ne sont sortis que lorsque un autre individu est venu les chercher en leur disant en Français : " c’est fini allez-y " toutefois il avait tout de même un léger accent étranger. A noter également qu’avant leur départ l’un des derniers a collé un morceau de papier tricolore sur le bureau. Sur ce morceau de papier était écrit en caractères d’imprimerie ces mots : " France d’abord ".

Comme signalement, je puis dire que les trois masqués étaient d’une taille de 1 m 70 environ, l’un portait un chiffon rouge comme coiffure lui recouvrant également la figure, seuls s’apercevaient les yeux, vêtu d’un costume noir assez propre. Un deuxième coiffé d’une toile noire lui recouvrant également la figure, vêtu d’un costume noir en bon état ; le troisième également coiffé d’une toile noire lui recouvrant la figure toutefois le nez était apparent, vêtu d’un costume gris clair mise assez correcte.

Dans les deux autres non masqués, l’un était de grande taille, 1 m 90 environ, cheveux très blonds frisés, coiffé d’une casquette en cuir marron, imberbe, très forte corpulence, figure grêlée, vêtu je crois d’un costume marron à carreaux clairs, genre sujet russe.

Le second de petite taille 1 m 65 environ, cheveux noirs crépus, coiffé d’un béret basque, figure ovale, type italien, vêtu d’un raglan noir, imberbe. Quant aux chaussures, je ne les ai pas remarque ni à l’un ni à l’autre.

C’est tout ce que je puis dire. »

Lecture faite a persisté et signé.

Mr. GUERVILLE, Auguste, âgé de 64 ans, Directeur de la mine de Pienne à Joudreville, y demeurant, Rue des Ecoles, nous a déclaré :

« J’ai été éveillé cette nuit par le téléphone vers 2 h 30. Mr. CURIEN, m’a annoncé que des saboteurs étaient passés à la mine, avaient ligoté une partie des ouvriers et terrorisé les autres ; qu’ils avaient jeté dans les deux puits un certain nombre de wagonnets. Je suis venu immédiatement à la mine où j’ai questionné le personnel présent au moment de l’attentat et j’ai rédigé un petit rapport résumant c[e] qu’il m’a paru essentiel dans les déclarations faites.

Le dommage subi par la mine est assez important.

Nous espérons que le puits No2 sera en service dans la nuit du 23 ou le 24 au matin : les dégâts consistent en trois wagonnets écrasés, une cage hors d’état réparable, diverses pièces de charpente pliées ou détériorées dans le puits ; la plupart des lattes " de goyau " arrachées ; trois planchers d’échelle pour le moins détériorées.

Nous pensons faire la remise en marche avec une partie seulement des réparations faites. La remise en état complet du puit[s] et des recettes demandera un certain temps mais nous pouvons néanmoins assurer l’extraction.

Au puits No1 les dégâts paraissant plus graves ; ils comportent deux wagons écrasés, une cage déformée et détériorée, des moises de guidage arrachées, de nombreuses lattes arrachées et des dégâts au sol des recettes du jour et du fond.

Compte tenu d’une cage qui avait été détériorée accidentellement dans la journée du 21, nous comptons qu’il faudra un mois avant que ce puits puisse fonctionner à nouveau à l’extraction, mais il convient de dire que nous pouvons assurer l’extraction avec un seul puits. »

Lecture faite a persisté et signé.

Mr. WAWRZYNIAK, Louis, âgé de 59 ans, manœuvre à la mine de Pienne à Joudreville, demeurant au dit lieu, No43 Rue du Paquis, nous a déclaré :

« J’étais de service à la recette de la mine cette nuit, lorsque nous avons été attaqués par un groupe de quatre individus dont trois armés de pistolets. L’un de ces individus de taille assez grande 1 m 75 environ, avait la figure recouverte s’un masque rouge ; je n’ai pas remarqué sa coiffure, il était vêtu d’un costume clair ; un autre de taille plus petite 1 m 65 environ, était vêtu d’une veste en cuir fauve et coiffé d’un chapeau noir. Les deux autres d’une taille identique 1 m 65 étaient vêtus l’un d’un costume couleur kaki et le quatrième je n’y ai prêté aucune attention.

Ce sont les seuls renseignements que je puis donner sur ces individus.

A noter que lorsqu’ils nous ont lié les mains, l’un de ces individus a dit en Russe : " n’ayez pas peur ". Quant aux trois autres ils ont prononcé les mêmes paroles mais en Français avec léger accent étranger.

C’est tout ce que je puis dire. »

Lecture faite a persisté et signé.

Mentionnons que malgré nos recherches il nous a été impossible de pouvoir découvrir l’endroit d’où ces individus avaient pénétré dans l’intérieur de la mine.

Nous joignons aux trois expéditions du présent, une copie du rapport de Mr. GUERVILLE, Directeur de la mine.

Dressé en trois expéditions, destinées :

— la première à Monsieur le Procureur de la République à Briey,

— la deuxième à Mr. le Préfet de Meurthe-et-Moselle (1ère Division — 1er Bureau) à Nancy,

— la troisième aux archives.

Clos à Piennes, le 23 Mars 1944.

No 4.226/3. — Vu et transmis par le Capitaine DUVAL, Commandant la Section à BRIEY.

à Monsieur le Chef d’Escadron Commandant la Compagnie de Meurthe-et-Moselle à NANCY.

A BRIEY, le 25 Mars 1944.