8 février 1944

Georges Ponomarev Русский

Archives départementales de Meurthe-et-Moselle. — WM 322. — P. 1, 2, 3, 4, 5.

MINISTÈRE de L’INTÉRIEUR

Direction Générale de la Police Régionale

INTENDANCE DE POLICE de la RÉGION DE NANCY

Service Régional de la Police de Sûreté

No 3061

INTENDANCE RÉGIONALE DE POLICE

ARRIVÉE le 6 MARS 1944

No 4293

Nancy, le 4.3.1944

LE COMMISSAIRE DIVISIONNAIRE

Chef du Service Régional de la Police de Sûreté a l’honneur de transmettre le rapport ci-joint à Monsieur le Préfet Régional (Intendance de Police) Nancy

Le Commissaire Divisionnaire,

MINISTÈRE de L’INTÉRIEUR

POLICE NATIONALE

Brigade Régionale de la Police de Sûreté

NANCY

BRIGADE REGIONALE DE LA POLICE DE SURETE DE NANCY

No 3061

VU & TRANSMIS

à Monsieur le Commissaire Divisionnaire

Chef du Service Régional de la Police de Sûreté

/ Le Commissaire Principal

Nancy[, le] 3 Mars [194]4

L’Inspecteur de Police de Sûreté MASSARD Robert, à Monsieur le COMMISSAIRE PRINCIPAL, Chef de la brigade régionale de la Police de Sûreté à Nancy.

Reference : Commission rogatoire No25, du 11-2-1944, de M. Le Juge d’Instruction de Verdun.

Objet : Activité terroriste — Vols de bicyclettes à main armée.

J’ai l’honneur de vous rendre compte du résultat de l’enquête que j’ai effectuée avec M. CROCHETET Inspecteur du service, sous la direction de M. Le Commissaire TROUETTE, en vertu de la Commission rogatoire citée en référence.

LES FAITS

Le 8 février 1944, vers 8 heures, deux individus armées de révolvers ou de pistolets, arrêtaient sur la route reliant Warcq et Etain (Meuse) à la sortie de la première de ces localités, le sieur JACQUES et la demoiselle BURTIN et sous la menace de leurs armes, les sommaient de leur remettre leu[rs] bicyclettes.

Le même jour vers 10 heures, les mêmes individus arrêtaient sur la route de Braquis à Warcq le nomme SAALES Albert, le sommaient lui aussi de leur remettre se bicyclette et en échange lui laissaient celle qu’ils avaient prise deux heures auparavant à la demoiselle BURTIN.

L’ENQUETE

Il résulte de nos investigations que le 8 février 1944, vers 8 heures, le sieur JACQUES Lionel, âgé de 20 ans, employé de banque à Etain (Meuse) domicilie à Warcq (même département) se rendait à son travail à bicyclette. Il circulait sur la route de Warcq à Etain à côté de la demoiselle BURTIN Alice, 18 ans, demeurant à St Maurice (Meuse) qui elle aussi allait à Etain à bicyclette.

A une centaine de mètres après la sortie du village de Warcq, ces deux jeunes gens furent arrêtés par deux individus qui leur barrèrent la route et qui braquèrent en leur direction chacun un pistolet. Ils sommèrent le sieur JACQUES et la demoiselle BURTIN de mettre pied à terre ce que ceux-ci firent sans aucune difficultés. Les deux bandits leurs dirent alors : « Nous sommes des Franc Tireurs, donnez vos bicyclettes, la gendarmerie est derrière nous. » Le sieur Jacques protesta. Un de ses agresseurs le rassura en l’avisant que sa bicyclette lui serait remboursée ultérieurement et lui remit une vignette de papier tricolore qui portait, entre autres, la mention suivante : « FRANCE d’abord, voilà le mot d’ordre des Franc Tireurs. » Ils invitèrent leurs victimes à ne pas donner l’alerte et montèrent sur les bicyclettes qu’ils venaient de dérober et se dirigèrent vers le village de Braquis (Meuse). Au moment où ils enfourchaient leurs bicyclettes, le sieur JACQUES tenta de retenir par la selle celle qui venait de lui être dérobée. L’individu qui lui avait soustrait sa machine se retourna et braqua son révolver dans la direction du sieur JACQUES. Ce dernier le laissa alors continuer sa route.

Deux heures plus tard, c’est-à-dire vers dix heures, le bucheron SAALES Albert, 32 ans, demeurant à Herméville (Meuse) qui se rendait à bicyclette à son travail fut arrêté par les mêmes individus sur la route entre Warcq et Braquis à 300 mètres environ de cette dernière localité. Les deux individus barrèrent la route à l’aide des bicyclettes qu’ils avaient dérobées au sieur JACQUES at à la demoiselle BURTIN. SAALES ayant mis pied à terre, l’un de ses agresseurs braqua un pistolet en sa direction et lui demanda son vélo. SAALES lui fit savoir que ce moyen de locomotion lui était indispensable pour aller à son travail. Son agresseur lui répliqua : « Nous sommes des Franc Tireurs, nous combattons les allemands et nous en avons grand besoin. » Puis, il se saisit de la bicyclette de M. SAALES et l’a remis à son compagnon. Il reprit celle que détenait ce dernier et qui était la bicyclette dérobée auparavant à Mademoiselle BURTIN et l’a remis à SAALES en lui disant « qu’elle était assez bonne pour lui ».

Le terroriste qui avait reçu la bicyclette volée à SAALES, l’avait enfourchée et était parti en direction du village de Braquis (Meuse) cependant son compagnon restait avec la victime. Cette dernière lui ayant fait connaitre qu’il était dans ses intentions de retourner à Braquis, le terroriste ressortit le pistolet qu’il avait replacé dans sa poche et le somma de continuer sa route en direction de Warcq. Il l’accompagna même sur une distance de cinquante mètres puis le laisse partir tandis que lui-même retournait vers Braquis.

Les recherches effectuées en vue de découvrir les auteurs des trois méfaits faisant l’objet de le présente enquête n’ont jusqu’ici donne aucun résultat.

Parmi les documents découverts le 22 février 1944, 33 Bd LOBEAU à Nancy, au domicile du nomme BUFFARD Pierre, dit « Gérard » Commissaire Militaire inter régional des Franc Tireurs Partisans de la région Est, est qui a été abattu lors de son arrestation, il a été decouvert une minute d’un rapport dont je reproduis ci-dessous un extrait :

« M.O.I. R. EST. du 1 au 12 février .—.

Le 8 — 2 gars du détachement « Stalingrad » 1er groupe est sorti pour récupération de vélo — Action faite et repli sans incident ».

« Effectif 11 dans la ville et 14 dans les bois 2 régional. Nous manquons toujours d’armement et pour faire travailler les groupes des villes, il nous faut reprendre les armes aux groupes des bois. Ravitaillement est satisfaisant, mais nous manquons de chaussures pour ceux des bois. »

Il semble donc que les auteurs des vols à main armée dont a été victime les sieurs JACQUES et SAALES ont été commis par ce groupe du Mouvement Ouvrier International.

Lors des interrogatoires des terroristes arrêtés par notre services au cors de le semaine du 21 au 28 février 1944, nous avons appris que ce groupe se tiendrait dans la région Conflans Jarny (M[eur]the-et-M[os]elle). Le détachement se compose pour la plupart de prisonniers bolcheviques évadés des « Front[st]alag » du bassin de Briey. Il serait dirigé par un polonais qui a le pseudonyme « Jean Claude » et qui parle difficilement le français.

CONCLUSIONS

Les trois vols de bicyclettes, peuvent sans aucun doute être imputés au premier groupe du détachement « Stalingrad » du Mouvement Ouvrier International les individus sont armes et se tiennent dans les bois. Ils sont commandes par X…, dit « Jean Claude » age d’une cinquantaine d’années, taille 1m65, corpulence assez forte, cheveux grisonnants, visage carré, coiffé d’un béret ou d’une casquette, pardessus gris, porte en général des leggins et une [m?]usette militaire.

Ci-dessous le signalement des agresseurs des nommes JACQUES[,] BURTIN et SAALES.

1o Age de 20 à 25 ans, taille à 1m65-70 environ, vêtu d’un veston gris fonce à rayures, pantalon gris, [so?]ie plus foncé que la veste et en mauvais état.

Porte une éraflure sous l’œil droit.

Est armé d’un révolver genre parabellum.

2o Age de 35 à 40 ans, 1m80, corpulence forte, vêtu d’un complet gris bleu, chapeau mou de teinte grise à bords relevés.

Est armé d’un pistolet 7/65.

L’inspecteur de Police de Sûreté.

DESTINATAIRES

M. Le Juge d’Instruction à Verdun.

M. Le Préfet régional (Intendance de police à Nancy)

M. Le Préfet de la Meuse à Bar-le-Duc

M. Le Directeur des services de Police de Sûreté (6o Section à Vichy)

M. Commissaire Divisionnaire, Chef de la délégation des services de Police de Sûreté à Paris.

Archives régionales.