Antoine Bernalicis

Vassili Porik Русский

La Tribune des Mineurs, 14 février 1968, p. 9, 10.

Il y a 24 ans

VASSILI PORIK

- Lieutenant de l’Armée Rouge

- Héros de l'Union Soviétique combattant dans les Francs-Tireurs et Partisans Français

Un reportage de Antoine Bernalicis

DIMANCHE 18 février, au cimetière d'Hénin-Liétard, aura lieu l'inauguration d'un monument élevé à la mémoire de Vassili PORIK, lieutenant de l'armée rouge, de son adjoint Vassili KALESNICK, des camarades soviétiques évadés des camps de prisonniers, tombés au combat dans les rangs de la Résistance.

Nous avons voulu en cette circonstance, rappeler ce que fut l'action clandestine de Vassil PORIK qui devait tomber sous les balles nazies, fusillé le 24 juillet 1944, dans les fossés de la Citadelle d'Arras.

Si nous n'avons pas oublié nos luttes, nos morts, nous ne devons pas oublier ceux qui, loin de leur patrie, ont combattu fraternellement à nos côtés, mêlant leur sang à ceux de nos martyrs, pour la libération de notre pays.

Sallaumines, le 4 février 1943

Dans la brume de ce matin glacial, un train est attendu. Ce convoi arrive de l'Ukraine. C'est un transport de prisonniers, de déportés ; ils étaient 812 au départ.

Sur le quai de cette petite halte qu'est la gare de Sallaumines, une double haie d'Allemands, mitraillettes armées prêtes à faire feu, un officier, un cheminot, un docteur, le docteur Lugez, le médecin chef de l'hôpital Sainte-Barbe, que l'officier allemand était allé cherché pour accueillir le convoi de prisonniers, de déportés... Cynique précaution comme nous allons le voir.

Le premier contact avec la terre de France

Le train s'est arrêté. La locomotive, qui est maintenant juste dans le dos des trois hommes, respire régulièrement. Mars le silence est énorme dans la tête du docteur.

Un sous-officier descend du premier wagon qui est surmonté d'un habitacle de surveillance. S'approche. Salue à l'hitlérienne. Tend un paquet de feuillets à l'officier. Celui-ci demande, en allemand :

« Les effectifs ? ».

L'autre répond :

« Valides : 723, malades (il rit, et, on ne sait pourquoi, retentit le sifflet d'un train qui vient en sens inverse, et qui couvre un moment sa voix...) malades : 89, total : 812 ».

— Faites ouvrir de ce côté, et ordonnez que personne ne bouge, lui dit l'officier. Puis il hurle : « Préparez-vous à tirer sur quiconque descend avant le signal ! ».

Cet ordre est repris par des sous-officiers tout au long des deux haies.

Le médecin s'approche de l'officier et, véhément, lui dit :

Vous voyez bien, 89 malades ! Je refuse de les examiner ici. Je suis médecin, et non vétérinaire ! ».

L'officier lui répond (en allemand) :

«Parlez donc en allemand, docteur, puisque vous entendez notre langue… ».

— Là n'est pas la question ! s'exclame le docteur. Vous savez depuis longtemps que j'ai appris la langue… votre langue... Je pars... Vous amènerez les malades a Sainte-Barbe...

— Restez, hurle l'officier.

Et juste comme il dit cela, le sous-officier ayant décadenassé la première porte, deux de ses aides l'ayant ouverte, un corps humain recroquevillé tombe sur le quai. De la haie vert-de-gris trois coups de feu éclatent.

Le docteur se précipite tandis que l'officier crie : « Idiots ! ».

Le docteur se penche sur la dépouille. Se relève, décomposé, et dit à l'officier :

« Vous avez tiré sur un cadavre ».

— Oui, dit l'autre, d'après mes calculs, il y en a 89 là-dedans. Si vous voulez rester pour constater, à votre aise, mais ce sont les seuls malades que nous avons à vous confier.

Le docteur :

— Maintenant je comprends. Je reste, monsieur.

Les cadenas sont ouverts un à un, puis les portes. Après ces crissements et la litanie du sous-officier : « Ne bougez pas ! Attendez les ordres ! », le silence par intervalles est total.

Le docteur s'avance dépasse i le wagon des morts que le cheminot éclaire du côté blanc de sa lanterne et attend. L'officier vient à ses côtés. On entend des prisonniers qui toussent.

Le sous-officier revient au pas de gymnastique. Salue encore.

«Tout est prêt », dit-il.

L'officier répond :

Allez-y. Wagon par wagon, comme d'habitude.

Le sous-officier repart et gueule, en allemand d'abord, en jargon russe ensuite :

« Descendez un par un et asseyez-vous en paquet, le kapo de wagon le premier évidemment ! ».

L'opération s'effectue. Le deuxième wagon, celui qui touche à celui des morts, ne contient que des femmes, vêtues de vestes déchirées ou de sacs, les-pieds entourés de bandes d'étoffe, sauf la kapo qui a de fines chaussures d'homme, jaunes, des chaussures de ville autrefois élégantes, mais trop grandes. II y a une cinquantaine de femmes. La dernière à descendre n'a qu'un sac sur elle, qu'elle tient avec les mains. Elle a le visage tuméfié. Et le sac est si court que pour dissimuler son sexe la femme doit découvrir ses épaules. Ou inversement. Elle hésite à descendre. Elle pleure. La kapo, déjà assise, la regarde et crie :

« Saute, Galina, espèce de sotte ! ».

Galina (taille un peu en dessous de la moyenne, brunette, jolie) saute, s'écroule, est saisie de hoquets. Le docteur veut s'approcher suivi par les regards de haine et de peur des femmes qui grelottent. L'officier saisit le docteur par la manche et dit en allemand :

« Vous la retrouverez plus tard, monsieur le docteur, si elle vous plaît... Attendez au moins qu'elle soit désinfectée... ».

Le docteur est désarmé par ce cynisme. Il hoche seulement la tête en pensant « sale brute ! ».

Les autres wagons ont maintenant déversé leur cargaison humaine. On aperçoit cette sorte de marché aux clochards où toutes les horreurs de la guerre sont comme rassemblées : les orbites noires de la faim, des balafres, des pansements sommaires, des regards fous.

Le sous-off est revenu et demande :

« Et pour les... malades ? ».

— Trois hommes. répond l'officier.

— Si vous permettez, reprend l'autre, je connais mon convoi, vu que je l'ai pris en Ukraine, eh bien, il y a une tête dure qui devrait bien faire le travail tout seul...

A votre aise, dit l'officier. Les camions sont en bas. Celui-là (il désigne le cheminot français) vous montrera. Mais les femmes partiront les dernières. Il faut qu'ils les voient, leurs femelles !...

A vos ordres, crie joyeusement le sous-off, saluent encore. Puis en direction de la foule assise : « Vassili, chien russe, tu m'entends ? Je te siffle, (il siffle) vient vers moi, chien Vassili, les mains sur la tête ! ».

Le docteur dit au cheminot : « C'est intolérable ! ».

L'officier les dévisagea tous deux ironiquement.

On entend un homme qui marche. Brusquement, de la brume, surgit Vassili. Il a des souliers de deux sortes. Un pantalon de treillis. Une veste matelassée à laquelle il manque une manche, la gauche. Ses cheveux, où ses doigts s'enfoncent, sont longs et auréolés de brouillard. Il a une plaie légère au front. Il sourit, et mâchonne une brindille, oui, une brindille de troène où l'on distingue déjà un bourgeon.

Le docteur est frappé du contraste entre cet homme et ses compagnons. Le cheminot cherche un souvenir dans sa tête, puis, souriant, dit quelque chose que le docteur ne comprend pas :

« C'est ça... C'est un Vrai Maxime (allusion aux films soviétiques d'avant-guerre, diffusés en France, et portant ce nom).

— Qu'est-ce que tu bouffes-la, c'est inouï ! dit le sous-off (en russe),

— Nous sommes en France, non ? dit Vassili. Le printemps est précoce en France, feldwebel... non ?

— Vous voyez, dit le sous-off, furieux, en s'adressant à l'officier (qui hausse les épaules). Puis, avec une sombre violence, il dit à Vassili :

— Crache, tu entends, crache, chien !

Vassili sourit et, lentement, de sa main gauche, il retire de ses dents la brindille, et la met comme un insigne à l'une de ses boutonnières.

Pendant ce temps la parole de Vassili, reprise par les femmes, passe de bouche à oreille dans tout le misérable troupeau : « On est en France... On est en France... ».

«En route ! Un par un ! hurle le sous-off (en russe), vous, les femmes restez-là. Toi, par ici ! ».

Le défilé sinistre commence. Le sous-off compte en allemand. L'officier s'éloigne. Le docteur dit au cheminot : «Quelle honte ! Nous' devrions crier... ».

Le cheminot le regarde profondément, et dit : « Non ».

Puis il se rapproche de Vassili qui, apparemment insensible, mais très observateur, regarde défiler ses camarades. Et le cheminot dit :

« Oh ! tu le diras aux autres... ».

Vassili le dévisage, ne comprend rien, mais est sensible au ton amical du Français qui continue :

«Stalingrad !… Tu comprends Stalingrad ? Allemands kaputt ! 20 divisions ! ».

Il mime avec les mains, et pour cela pose sa lanterne sur le seuil ouvert du wagon des morts, et les tremblements blancs et rouges de cette flamme à carbure font d'effrayantes lueurs sur les cadavres dont certains sont déjà boursouflés. Le cheminot continue :

« Vingt divisions (il montre le dos du sous-off) kaputt. Von Paulus kaputt ! Vive l'armée

Rouge, copain ! ».

Vassili a compris. Il embrasse le cheminot, il serre les mains du docteur qui, désemparé, cherche dans ses poches, puis finit par donner son cache-nez marron au Russe.

Les hommes ont fini de défiler. Un des derniers, un petit au visage grêlé, se penche vers Galina pour la réconforter et reçoit d'un soldat allemand un coup de crosse dans le dos.

Puis les femmes se lèvent et se dirigent vers l'escalier de fer. Quand Galina, demi-nue, a disparu, Vassili charge sur son dos le mort tué deux fois qui était resté sur le quai. Les deux têtes, la vivante et la morte, ont des traits ressemblants. Vassili sourit et caresse les cheveux du mort.

Le docteur serre la main du cheminot et suit Vassili.

Un seul but : poursuivre la lutte

Après un séjour au camp de Sallaumines, Vassil PORIK est transféré au camp de Beaumont-en-Artois.

Pas un seul instant, il ne doute de in victoire finale ; il sait que l'ennemi, les nazis seront vaincus.

Vassil PORIK va agir, à l'intérieur même du camp, il commence à organiser ses compagnons, ses partisans dont il est le chef.

Déjà, au fond de la mine, il sait qu'il pourra compter sur les mineurs français avec qui. Il partage le dur métier et, souvent, le maigre « briquet ».

Pour Vassil, il n'y a qu'un seul but : organiser ses camarades, poursuivre la lutte contre l'ennemi.

L'évasion du camp de Beaumont, la clandestinité, le combat

Octobre 1943, Vassil quitte le camp de Beaumont, il rejoint le groupe de résistants français, sous les ordres du commandant Victor Tourtois, responsable du secteur.

Il sera hébergé, caché chez les époux Offre à Hénin-Liétard, à peine quatre kilomètres du camp, c'est près, il y a beaucoup de risque ; mais Vassil sait que là, il sera utile pour permettre à ses camarades de s'enfuir, de rejoindre les maquis. Il pourra aussi mieux les aider, les diriger vers la résistance française. Dès lors, il n'a plus un instant de répit, caché le jour, Vassil part à la nuit tombée. Il participe aux actions, aux sabotages contre l'ennemi.

25 avril 1944 : Vassili PORIK, blessé, est conduit à Arras dans la cellule des condamnés à mort

Le 25 avril 1944, Vassil PORIK, avec son adjoint Vassil KALESNICK sont surpris par un groupe d'Allemands. Ils se réfugient dans les corons de la « Parisienne ». Vassil KALESNICK se dissimule sur les toits, malheureusement, en s'accrochent à une cheminée, une brique se détache du toit, les Allemands l'aperçoivent, ils le mitraillent. KALESNlCK est mortellement touché, son corps tombe aux pieds de ses assassins.

Vassil PORlK a réussi à se cacher dans le grenier d'une maison, c'est là que les Allemands le découvriront. A bout portant, ils lui tirent une rafale de mitraillette, un miracle, une seule balle l'atteindra à la cuisse. Les Allemands emmènent Vassil PORIK sans se soucier de sa blessure, à Arras où il est enfermé dans la cellule des condamnés à mort.

Vassili PORlK tue sa sentinelle el s'évade

Bien que blessé, Vassil va tenter l'évasion. Au prix d'efforts incroyables, il va desceller un crampon de sa cellule. Ce travail terminé, il force ses menottes. Puis, se plaignant, il va attirer le sentinelle allemande.

Il lui demande à boire, et aussi de regarder sa plaie, profitant de cet instant, à l'aide de son crampon, il tue la sentinelle.

Se laissant glisser le long d'un mur. Vassil retombera dans un silo rempli de cadavres de patriotes que les Allemands viennent de fusiller.

La distance qui sépare Arras d'Hénin-Liétard, Vassil va la faire à pied à travers champs ; on ne peut imaginer la souffrance[,] la volonté qu'un tel acte représente.

Le 4 mai, les époux OFFRE volent revenir Vassil meurtri mais toujours aussi confiant.

Pendant que sa blessure se guérit, il répare, transforme des armes

Le docteur ROUZE, et le médecin-chef de l'hôpital Ste-Barbe, le docteur LUGER, apporteront les soins à Vassil (nous reviendrons plus loin sur les faits).

Durant sa courte convalescence, Vassil continuera à donner des ordres à ses compagnons, ce temps où il est immobilisé, il l'emploie à réparer des armes, à les transformer, il n'y a aucune trêve, chaque jour il s'efforce de faire des mouvements afin de réadapter son membre blessé pour reprendre plus vite le combat.

Seconde arrestation, exécution rapide

Hélas, le 24 juillet 1944, au cours d'une mission, Vassil est repris à Loos-en-Gohelle.

Les Allemands savent à qui ils ont affaire, au lieutenant Vassil PORIK, lieutenant de l'Armée Rouge. Pour eux, il n'y a pas un instant à perdre.

Transporté immédiatement à Arras, quelques heures après son arrestation, après avoir été torturé, Vassil PORIK est fusillé.

Que son nom demeure à jamais gravé dans notre esprit, comme il est gravé sur les murs des fossés de la citadelle d'Arras aux côtés des patriotes français fusillés, tombés, eux aussi, héroïquement pour la liberté.

Ceux qui vécurent l'épopée de Vassil PORIK

Victor TOURTOIS, Commandant FTPF du secteur de Beaumont-en-Artois

« Début 1943, il y avait eu un sabotage, le déraillement d'une machine H.L.P.1 sur la ligne de Douai, par Beaumont-en-Artois.

Comme nous étions au courant des opérations, nous avons recherché qui était à l'origine de ce sabotage, par recoupage nous avons ainsi appris que c'était un groupe de Russes, sous les ordres de Vassil, qui avait opéré, du camp de Beaumont. Vassil à cette époque n'était pas encore évadé.

J'ai eu l'occasion de participer avec Vassil à plusieurs actions de sabotage, Vassil était toujours volontaire, très brave, prêt pour toutes les missions.

Il participa à une première opération sur le camp de Beaumont, récupération d'habits pour équiper les évadés. Au cours de cette opération, nous avons récupéré une machine à écrire qui fut remise à Victor Foulon.

Une deuxième expédition eut encore lieu pour récupérer des armes, avec Vassil et mon groupe nous avons désarmé tous les rexistes ; ces armes, des longs fusils, nous les avons cachés dans les caniveaux de la ligne de chemin de fer.

Ce sont ces fusils que Vassil, durant sa convalescence, transformait. Gaston OFFRE les récupérant la nuit.

Au cours d'une autre opération à la gare de Beaumont-en-Artois, Vassil n'étant pas guéri, avait tenu à y participer. Nous avions pour mission de récupérer des armes dans des wagons en stationnement.

Cette mission ne devait pas réussir, nous fumes obligés de nous replier, après avoir ouvert le feu sur les Allemands dont certains furent tués et blessés.

Le souvenir que le garde de Vassil PORIK c'est celui d'un bon camarade, très brave, très sympathique, avec qui ont été à l'aise, qui avait le sens du devoir ».

Germain LHOEZ, Commandant DANIEL

« Le premier contact que j'ai eu avec Vassil, c'est lorsqu'il revint chez les époux OFFRE après son évasion d'Arras.

Ma mission était de le faire soigner, je me suis mis en rapport avec le docteur ROUZE, qui était notre médecin.

Le docteur ROUZE vint examiner Vassil, il sonda la blessure, le projectile était encore dans le membre, il fallait opérer.

Je pris contact avec le docteur LUGEZ, médecin chef de l'hôpital Saint[e]-Barbe. L'ayant mis au courant, il accepta immédiatement de faire l'opération, mais il ne pouvait garder le blessé à la clinique.

C'est Silva BAUDART, le propriétaire des Autobus BAUDART actuellement à Billy-Montigny, qui transporta dans sa traction Vassil à l'hôpital.

J'ai assisté à l'opération qui dura plus d'une demi-heure, Vassil n'avait été endormi que localement. J'entends encore le docteur LUGEZ dire : « Serviette, serviette », pour éponger le sang qui partait de l'affreuse blessure.

Durant toute l'opération, Vassil n'a pas eu une plainte. Je vois encore les gouttes de sueur qui apparaissaient sur son front, grossissaient et coulaient le long de ses tempes.

Je dois dire ici que le Docteur ROUZE, le Docteur LUGEZ, son épouse ont été pour nous d'une grande aide. Ils nous ont toujours aidés sans hésitation, malgré tous les risques que cela comportait.

Après cet événement, j'ai eu beaucoup plus de contact avec Vassil PORIK, à peine guéri, il reprend ses activités, en rapport direct avec l'état-major du Pas-de-Calais, il prend officiellement la direction des opérations des groupes russes, il continue à s'occuper des évadés, les dirige vers les maquis afin qu'ils puissent continuer à se battre, à participer aux opérations de la résistance.

J'ai appris son arrestation deux heures après. Nous savions que l'ennemi ne lui laisserait aucune chance surtout après son évasion. Ça était dur, surtout après une longue période d'illégalité, si près de la Libération, de perdre un compagnon comme Vassil, un jeune homme brave, plein d'audace qui savait se battre, comme il a su le prouver ».

Les époux OFFRE, chez qui Vassil fut hébergé

Vassil était pour nous un fils, il était très gentil, très respectueux, et d'une bravoure !

Souvent, il nous parlait de son pays, ses yeux brillaient lorsqu'il nous racontait comment vivaient les travailleurs.

Lorsqu'il parlait à ses camarades, il était très écouté, c'était un chef, ses camarades venaient le voir. Il les organisait, les conseillait et puis ils partaient.

Plusieurs fois, il s'habilla en lieutenant de l'Armée Rouge, il ne craignait rien.

Pendant sa convalescence, mon mari allait chercher les armes et Vassil les transformant, même couché, il fallait qu'il apporte quelque chose par son travail à la résistance.

Lorsque nous avons appris son arrestation, nous n'avons pas craint un seul instant, nous savions qu'il n'aurait rien dit.

Lorsque nous avons appris sa fin, nous avons pleurer, savoir tout ce qu'il avait fait, tant de fois risquer, c'est dur, lui qui espérait tant revoir son pays.

Après la Libération, nous avons fait les démarches, nous sommes allés à Arras afin que son corps soit ramené à Hénin-Liétard et enterré aux côtés de son camarade Vassil KALESNICK, nous avons toujours continuer à fleurir cette tombe.

Le monument, que l'on va inaugurer. Vassil et tous ses compagnons, qui passèrent nombreux chez nous et dont beaucoup sont morts, l'ont bien mérité, car ils ont lutté fraternellement pour la Libération ».

Madame SZALICK-REWIAKO est âgée de 68 ans. Elle est russe de naissance.

C'est avec beaucoup d'émotion que Madame Rewiako me rappelle l'instant tragique qu'elle vécut le 24 avril 1944, au 48, de la rue Basse, dans la cité de « La Parisienne », à Drocourt.

Vassil Porik est chez elle avec Vassil Konieski, et deux autres partisans soviétiques lorsque les Allemands cernent la cité.

Vassil Koneski tente de s'enfuir par les toits, un autre partisan tente de sortir, porteur d'un message que Vassil Porik a rédigé en hâte ; il sera pris. Dans cette maison, il reste Vasil Porik et un autre partisan quand les Allemands pénètrent.

Vassil Porik, mitraillette au poing, fait irruption dans la pièce où les Allemands tiennent en respect Madame Rewiako et son fils René. Madame Rewiako implore Vassil de se rendre, de ne pas tirer.

Vassil comprend le drame: il jette sa mitraillette aux pieds de l'Allemand et lève les bras en l'air. Il feint de se rendre, s'approche de l'Allemand et arrivé près de celui-ci, lui décoche un coup de poing, le bouscule et s'échappe pour se réfugier dans une maison quelques portes plus loin, où il sera pris dans le grenier.

Madame Rewiako-Szalick sera arrêtée, torturée, son fils René déporté : il ne reviendra jamais; sa fille de 14 ans, son beau-fils, 23 ans, eux aussi seront arrêtés jusqu'à la Libération.

Seule, la fille de 14 ans sera relâchée quelques jours plus tard. Une autre fille de 17 ans restera avec les deux derniers enfants de 6 et 8 ans ; ce sera la seule grâce des hitlériens.

Chez Madame Rewiako, les Allemands devaient découvrir un important lot de matériel de guerre qui servait à l'équipement des partisans : 8 fusils, 5 revolvers, 2 mitraillettes.

Madame Szalick-Rewiako habite à Bois-Bernard, dans une petite maison, avec ses souvenirs, de Porik, de son fils, morts pour la Libération, pour la France.

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1 Haut-le-pied.