22 mars 1944

22 mars 1944 1 2 3 4 5 Русский

Archives départementales de Meurthe-et-Moselle. — WM 315.

MINE DE PIENNE

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RAPPORT SUR UN ATTENTANT TERRORISTE A LA DATE DU 22 MARS 1944.

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A 1h25, la Mine est attaquée, la plupart des hommes sont ligotés.

Le garde, HENRY Charles, du pointage est ligoté (avec MARTIN 2 m après) par 5 hommes dont 3 masqués (qui sont partis aussitôt après).

Ils ont coupé auparavant les téléphones et enlevé le coupe-circuit de la sirène — 2 hommes sont restés qui n’étaient pas masqués — 1 grand blond et un petit qui parlaient une langue étrangère — tous les 5 avaient des révolvers. Ils avaient sur eux des liens avec lesquels ils ont ligoté le garde (2). MARTIN a été ligoté avec un autre lien, avec la ceinture de Martin lui-même et une ficelle prise au bureau. Ils ont ouvert les tiroirs qui n'étaient pas fermés, ont emporté la lampe de poche du garde — pas de clés. Ces 5 hommes parlaient une langue étrangère. Ils n’ont rien dit en Français.

A 1h50, CAPELLI est arrivé au pointage, a délié le garde et MARTIN.

Un des 2 fusils, qui était au pointage, a disparu.

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Vers 1h35, 3 wagons vides tombaient au fond du puits No 2, d’après la déclaration du porion TANGUY.

Les hommes de la recette du puits No 2 étaient assis auprès du fourneau à l’étage inférieur où ils mangeaient la croûte depuis 1h30. Ils étaient 8 : CAPELLI André, DELUIGI Aldo, DEGLI-ESPOSTI, THOMAS Edgard, SIERADSKI Bronislaw, DESKA Wojciek, WARWZINIAK Louis, WIELGOPLOSKI Joseph.

Un 9ème homme, TESSARO Jacques était à son poste au retour des vides ; il a entendu un bruit de wagons ; il n’a rien vu et il ne s’est douté de rien.

Quatre hommes, dont 1 masqué, se sont présentés soudain autour des 8 ; CAPELLI les a vus arriver par l’escalier côté P.1 et n’a eu le temps de rien dire ni de rien faire, que l’homme masqué, par un foulard rouge, lui a mis le révolver sous le nez ; de l’autre main, il avait un lien. Les 3 autres avaient : l’un, une grenade cylindrique blanche, l’autre une mitraillette, le 3ème un révolver.

Pendant que ces 3 autres s’occupaient à immobiliser les ouvriers sous la menace, le 1er aidé d’une 2ème équipe venue par l’autre escalier sont montés à l’étage supérieur, sont redescendus à l'étage inférieur où ils ont jeté 3 wagons vides dans le puits, par la cage Ouest (côté bureaux) en levant la barrière à la main.

Sur les 8 hommes de l’équipe, 5 ont été ligotés avec le cache-nez ; les terroristes leur avaient dit auparavant — continuez de manger — dans un Français approximatif. L’un a dit en langue Russe à DESKA — ne bougez pas, on ne veut rien vous faire.

Sitôt les wagons jetés dans le puits, ils ont dir[e] aux ouvriers — restez là, ne bougez pas et ils sont descendus. DELUIGI en a vu un qui avait un fusil.

La cage s’est mise en route quelques minutes plus tard, mais la cage Ouest n’est pas venue jusqu’au jour.

Sitôt les terroristes partis, les hommes se sont déliés. Quelques minutes après, CAPELLI a téléphoné au fond pour prévenir. Le machiniste d’extraction ne répondant pas au téléphone, les hommes se sont enhardis et sont allés à la machine (DELUIGI et THOMAS). Ils ont trouvé le machiniste et l’ont délivré.

HAUPERT (machiniste) déclare ce qui suit — j’étais assis dans la cabine tournant le dos à l’escalier. J’ai vu soudain 2 hommes passant entre cabine et la machine, qui sont venus aussitôt à la porte et m’ont mis chacun un révolver sous le nez en disant — « ne bouge pas, tu vas exécuter les ordres qu’on va te donner, sinon on te brûle la cervelle ».

Le convertisseur tournait encore, en sorte que je n’ai rien entendu de ce qui passait à la recette (Les hommes avaient les pieds garnis de chiffons). Ils m’ont questionné sur ce qu’était le téléphone — ils ont arraché les fils et pris les clefs des 2 salles de machine et ma grosse lampe électrique à accumulateur, ma ceinture. Ils m’ont alors commandé (le tout dans un mauvais Français) de mettre la machine en route. J’ai répondu : il me faut les signaux — A quoi ils ont rétorqué — tu n’as pas besoin de signaux, mais d’exécuter les ordres qu’on te donne. Ils sont descendus avec moi révolver au poing, pour mettre le convertisseur en route. Puis j’ai mis les cages dans le puits à faible allure. Je n’ai rien observé d’anormal.

Ils sont restés environ 3' jusqu’à ce qu’un 3éme homme masqué, qui faisait le guet en bas, soit venu les chercher. Ils ne m’ont pas attaché, mais m’ont dit de ne pas bouger. Deux minutes après, environ, DELUIGI est venu me trouver et je suis descendu avec lui[.] — Je suis allé aussitôt chercher Mr. CURIEN.

Deux wagons ont été jetés dans le puits No 1, du sol, d’après les constatations faites après coup — le châssis d’un wagon vide (avarié d’hier et qui avait été découpé pour le sortir de la cage, elle-même détériorée) et un wagon plein qui avait été retiré hier de la cage avariée. La constatation en a été faite au fond. Une cage était au jour, la 2ème était à quelques mètres du fond.

Un wagonnet vide a été poussé dans le puits à chaque étage de la recette à minerai ; mais ces 2 wagons ont été retenus par le câble et sont restés en l’air, prêts à tomber. C’est sans doute parce qu’ils n’ont pas réussi à la recette à minerai que les auteurs de l’attentant ont jeté 2 wagons de la recette du sol.

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Les hommes de garde étaient :

1°) NALEZINSKI — Ayant entendu du bruit au puits No 1, j’ai déposé mon fusil à la cabane et je me suis dirigé avec ma canne et ma lampe vers le puits 1. Je me suis arrêté devant la machine d’extraction et j’ai éclairé le puits avec ma lampe. 1 homme portant 1 mitraillette, qui descendait de l’escalier, est venu à moi en disant — ne bouge pas (en Français). Environ dix autres descendant de l’escalier sont venus les rejoindre, m’ont ligoté avec mon foulard « es-tu fasciste ? ». Ils ont dit quelques mots en Russe — m’ont pris lampe et montre.

2°) BUJANOWSKI — MICHALEK — Etaient à la cabane — venaient de changer de tournée.

Ayant entendu du bruit sont sortis aussitôt ; NALEZINSKI est parti, eux sont allés devant les transformateurs. Rien d’anormal. NALEZINSKI est revenu au bout de quelques minutes leur dire « des terroristes sont là ». Ils ont aussitôt caché le fusil ; sont passés devant le garage et n'ont pas vu les terroristes.

MINE DE PIENNE, le 22 Mars 1944.